LIONEL SABATTE
From 24/05/2025 to 31/08/2025
Maison Elsa Triolet Aragon
solo show
Curated by Caroline BRUANT
Vernissage le 24 mai de 15h à 18h
Il est sans doute paradoxal de convoquer Shakespeare et Hugo pour évoquer l’art de Lionel Sabatté. Au souffle tempétueux des premiers semble répondre une œuvre qui cultive la finesse, la subtilité, la discrétion. Pourtant, quand Hugo parle pour Shakespeare, jaillissent des mots qu’on croirait taillés exprès pour Sabatté : « Un des caractères qui distinguent les génies des esprits ordinaires, c’est que les génies ont la réflexion double. » Ils ont à la plus haute puissance cette « faculté souveraine de voir les deux côtés des choses»: «< totus in antithesi» (tout dans l’antithèse) (Victor Hugo, William Shakespeare, 1864).
La poussière, ce rebut, cet agglomérat méprisé de débris d’artefacts, de particules textiles, naturelles, humaines, Sabatté en fait surgir la plus délicate beauté. Ce faisant, il décale notre regard : quelle est cette laideur que l’artiste peut transformer en son contraire ? L’assurance de nos repères qui fixent là le méprisable et ici l’adorable s’en trouve comme ébranlée. De fleurs de peau en loups de poussières, même la frontière entre l’humain et la nature finit par être interrogée.
À l’heure de toutes les fixations identitaires, l’artiste appelle notre regard sur le réel, la matière, le mouvement, le mélange. D’où vient cette douce pelisse dont sont ses loups vêtus ? De ce qu’ont laissé derrière eux des millions de passants passés par la station Châtelet – Les Halles, tout un monde emmêlé patiemment recueilli par l’artiste et par lui transfiguré. Et ces visages si étrangement désirables formés de poils et résidus divers? Seraient–ce des vanités de notre temps ou l’intrigante conjonction de l’abject et du gracieux ?
Les œuvres de Sabatté, maître des formes et des volumes, des valeurs et des matières, ont tôt fait en tout cas de fasciner celui qui les regarde par cette singulière beauté tissée de contraires. On se prend à rêver avec Le Fou d’Elsa:
Je n’ai désir qu’à demeurer comme sa traîne ou son parfum
Qu’à n’être plus que sa poussière un souvenir de ses pas fins.
“Le plus souvent, je dis que je fais des sculptures en poussière, parce que c’est tout de suite intrigant. Cela permet de démarrer immédiatement sur le matériau et sur la manière dont je l’utilise, ce qui est de fait l’une de mes grandes préoccupations. Je peux dire aussi que je peins, non pas sur soie, mais avec de la soie. J’aime prendre des petits éléments qui permettent d’engager les questions et la conversation.”
Extrait de “L’entretien avec Lionel Sabatté d’Henri-François Debailleux”,
Pollens clandestins, Lionel Sabatté,
Fabelio, 2023.








