Zoocénose
From 27/04/2024 to 27/06/2024
Galerie 8+4
13 rue d'Alexandre 75002 Paris
solo show
Press opening on Friday, April 26th 10 a.m.
Rencontre-signature le mardi 21 mai à 19h00, en présence de Yannick Mercoyrol, auteur de l’ouvrage Équarisseur. Chemins de Lionel Sabatté, publié à l’occasion de l’exposition, aux éditions Bernard Chauveau.
Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie 8+4, Lionel Sabatté déploie un travail inédit, fruit de longues recherches, en vue de réinventer l’image même, à travers des pratiques iconoclastes utilisant les techniques du multiple pour aboutir à des œuvres singulières, d’exemplaire en exemplaire. Si un ensemble de travaux l’entraine à réinventer la notion de photographie, d’empreintes ou de gravure, une nouvelle étape le conduit à interroger la pratique du tissage pour en révéler tout le potentiel imagé. Le tout est placé sous le signe du vivant, de la nature, de la mer ou comme il aime à le dire « inventer une nouvelle zoocénose ». Si sur le plan scientifique, la zoocénose renvoie au concept écologique d’une communauté animale vivante, naturelle et interdépendante, il s’agit bien ici d’un travail dont les créations, issues d’expérimentations croisées et variées, constituent le biotope singulier de l’artiste, d’où s’échappe son univers fantastique…
L’exposition présentera plusieurs œuvres de la série des Poussièrographies, ainsi que de la nouvelle série des Pêches, avec un ensemble de petites gravures de poussières. Au total, c’est une trentaine d’œuvres inédites sur papier qui seront dévoilées aux côtés de la première édition en tapisserie de l’artiste.
Ode au vivant et extraordinaire hétérogénéité des formes qu’il peut incarner, « Zoocénose » se veut une aventure qui brasse dans un même mouvement la terre, l’humus, les végétaux, l’immensité océanique et la triste dégradation de notre environnement. À cet état de fait, Lionel Sabatté oppose une forme d’onirisme qui avait pris corps il y a plusieurs années par son utilisation de la poussière comme matière même de l’art. Mais avec « Zoocénose », il pousse la logique encore plus loin en conférant une nouvelle aura à ces productions.
POUSSIÈROGRAPHIES
Expérimentateur hors norme, Lionel Sabatté cherchait depuis des années à réinventer la photographie. Ou plus exactement à donner à la rigueur de l’enregistrement mécanique une dimension fantasmagorique. En hommage au foisonnement d’inventions qui marque les débuts de la photographie depuis les tentatives au bitume de Judée de Nicéphore Niépce (1824), ou les expériences de John Herschell puis d’Alphonse Poitevin, Lionel Sabatté invente en 2023, un nouveau registre de la photographie : la poussiérographie, produisant plusieurs séries de tirages en multiple sur papier. Cette technique utilisant la sérigraphie, où l’image est révélée par la poussière, des poudres d’oxyde, des pigments d’or, de cuivre ou d’acier, lui permet de travailler directement la nature même de la représentation lors d’actions ou par la précision d’un geste, il laisse émerger des vues de sous-bois. À la fois trace d’un investissement corporel et attestation de prises de vue réalisées dans différentes forêts de France, ces paysages constitués de matières disparates laissent supposer que photographie et peinture ne sont pas les frères ennemis imaginés par les artistes du xix e siècle, mais bien deux modes de perceptions du monde qui ici fusionnent dans une alliance mêlant rêve et réalité. Pour cette exposition, il a élargi ses formats pour mieux plonger le spectateur dans un monde onirique.
GRAVURES DE POUSSIÈRE
Tout dernièrement ce médium de prédilection, la poussière, a donné lieu à une nouvelle expérimentation, sur une presse taille-douce, en gravure cette fois-ci. La poussière collectée méticuleusement dans l’atelier du graveur est devenue l’outil remplaçant le burin ou la morsure de l’acide. Disposée sur la plaque, ces petits restes de rien, une fois gravée sur la feuille s’inventent une nouvelle vie, florilège de petites créatures indisciplinées toutes droites échappées de quelques laboratoires fantastiques ou secrets…
PÊCHES
La série des Poussièrographies et des gravures de poussière est complétée par les Pêches, un ensemble d’œuvres inédites à la symbolique riche. Lors d’un séjour sur les bords de la Méditerranée à Bages, Lionel Sabatté découvre de vieux débris de cordes et de filets de pêcheurs abandonnés sur la grève, un ensemble qu’il complètera ensuite d’éléments glanés lors de ses échappées océaniques. Si la matière informe de ces trames de chanvre et de lin lui rappelle le travail des Fantasma – ses monotypes réalisés à partir de gaze de tissu – elle mobilise surtout une mémoire liée à l’enfance dont un souvenir vivace, son plus ancien souvenir de télévision : la vision apocalyptique des ravages de la marée noire de l’Amocco Cadiz en 1978 sur les côtes bretonnes. Au fil de ses déambulations, il repère, épars sur les rochers, cachées par les colonies de coquillages, les traces anciennes de cette pollution profondément incrustée dans la roche même, à laquelle se mêlent, nouvelle atteinte à la biodiversité, les dégazages sauvages plus récents. Ces Pêches qu’il imagine, réalisées à partir de ces résidus de pétrole, déploient un nouvel univers de monstres marins, de sirènes enchevêtrées dans d’étranges écheveaux d’algues féériques, des squelettes de coraux ou simplement le merveilleux d’un jardin marin qui fait écho à la mer toujours considérée dans notre culture comme l’infini d’où émergent toutes sortes d’aventures. Et si le naphte résulte bien de la décomposition d’organismes vivants antédiluviens, le travail de Lionel Sabatté redonne à cette matière hautement symbolique une nouvelle vie, cette force nouvelle transmutant une matière polluante en symbole d’un renouveau.
DES FILS ÉPARS ET TISSÉS
Dans la continuité de ces séries, Lionel Sabatté investit le champ de la tapisserie avec, là encore, la volonté d’en déconstruire ses codes. Travaillant à partir de fils variés allant du coton au papier en passant par l’élastique, il a imaginé une tapisserie devenue peau. Des fils noirs y sont repris, recousus, arrangés par l’artiste. Là encore, l’imaginaire est au service d’une réécriture de l’image. De l’informe surgit des figures, dans les plis du gaufrage se cache des représentations du vivant (animaux, monstres, humains, végétaux). La tapisserie devient alors le lieu de nouveaux gestes et la possibilité à partir d’une même trame de réinventer le motif à l’infini. Il y a chez Lionel Sabatté la volonté farouche de toujours investir un médium à partir des interrogations issues d’une autre technique en vue de questionner ce que peut être une image dans notre culture. Autant dire qu’il lui fallait sans doute passer par une outrance du geste et par la mise en crise des notions de représentations. Au-delà de ce questionnement, la pratique de Lionel Sabatté est aussi celle d’une communion avec la nature, ou plus exactement celle d’un dialogue inédit entre l’homme et son environnement, comme pour mieux affirmer que toute image est avant tout de l’ordre de la rédemption.
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